La vie est pleine de mystère.
Les scientifiques et les philosophes tentent de résoudre certains des mystères de la vie, mais échouent lorsqu’ils atteignent les limites de la raison et la collecte et l’évaluation de la preuve empirique. Comme démontré dans le Journal précédent, les scientifiques ne peuvent même pas déterminer ce qu’est la conscience, parce que ce n’est pas un objet. Par contre, les chercheurs développent une meilleure compréhension en suivant les pas des mystiques.
Parfois, lorsque l’on parle de mystère, on fait référence à "l’obscurcissement" dans les poèmes des Siddhas du Yoga, comme le Tirumandiram. Dans ces écrits, ainsi que dans la littérature du Shivaïsme du Cachemire, l’obscurcissement est l’une des cinq actions de Shiva. Celles-ci sont la création, la préservation ou stabilité, la dissolution, l’obscurcissement et la grâce. De la perspective cosmique ou métaphysique, le Seigneur crée un corps physique dans lequel toutes les âmes peuvent faire l’expérience des conséquences de leur karma, bonnes ou mauvaises. Le Seigneur maintient le corps pour un temps et préserve certaines relations intimes, incluant la famille et les amis, afin que l’âme puisse s’assagir au travers des leçons de vie. Le Seigneur dissout le corps physique, les relations et les situations, lorsque des nouveaux sont nécessaires pour l’évolution de l’âme ou que le karma l’exige. Le Seigneur crée l’obscurcissement afin que l’âme recherche avec diligence la vérité au-delà des plaisirs et des douleurs éphémères de la vie, acquérant ainsi la sagesse, la réalisation du Soi et l’éveil de l’unité dans la diversité. La grâce du Seigneur, la cinquième action, est imprégnée dans les quatre autres actions, et soutient l’âme dans son cheminement vers la réalisation de l’unité ou la non-dualité. Comme Tirumular, l’auteur du Tirumandiram, l’a dit : "Ils ne sont pas deux", faisant référence à Shiva, le Seigneur, et les jivas individuels, ou âmes.
Ce qui est souvent incompris ou pas pleinement apprécié par les sadhakas est que les cinq actions de Shiva se produisent aussi à l’intérieur de chacun de nous à chaque instant. De plus, Shiva est le témoin du théâtre de sa force créative, appelée Shakti, qui est tout, incluant nous-mêmes. Vous partagez peut-être cette perspective cosmique de Shiva lorsque vous demeurez à l’écart du bavardage de votre mental, en tant que Témoin. Lorsque vous vous identifiez à la conscience pure, ou Shiva, et non aux mouvements de votre mental, vous témoignez de la création des pensées, des émotions et des sensations, qui demeurent un certain temps, et ensuite se dissolvent. Le sage apprécie combien les pensées, les émotions et les sensations obscurcissent la lumière de la conscience et l’essence de notre unité en toutes choses en nous identifiant à elles. Cette obscurité et cette fausse identification sont nées de l’égoïsme, un principe de la nature, dans laquelle la conscience devient individualisée et par conséquent contractée et identifiée non seulement avec un corps physique en particulier, mais aussi aux mouvements individuels du mental. Lorsqu’il y a attachement ou aversion, désir ou peur, leur mouvement au travers des corps mental et vital devient coincé dans des boucles obsessives et répétitives à moins qu’elles soient assimilées par l’action d’en témoigner et le lâcher-prise. Ainsi, elles forment encore plus d’obscurité alors que les peurs et les désirs deviennent habituels, et que l’on s’attarde aux mémoires, plaisantes ou douloureuses.
Le "chitta vritti" (Sûtra du Yoga 1.2) nous garde dans un état d’obscurité, absorbé par les agents de maya, soit le temps, le désir, le pouvoir limité, la connaissance limitée et le karma. La grâce, qui opère au travers de la pratique de la méditation, nous permet d’en être le témoin, de les métaboliser, et de les amener à leur terme. L’étude et la contemplation de la littérature sacrée mettent aussi en lumière la sagesse, qui nous aide à nous rappeler ce que nous avons peut-être oublié pour surmonter la souffrance. La grâce nous permet de voir clairement, d’apaiser le mental, d’avoir une conscience pure et de percer le voile d’obscurité de la fausse identification avec le mental et les mouvements émotionnels. Cela peut se produire comme une expérience intense, dans laquelle nous "voyons la lumière", ou que par la suite nous disions "ça m’a étonné", ou "ça m’a coupé le souffle", ou "j’ai ressenti la présence du Seigneur", "c’était tellement beau". C’est habituellement une expérience passagère. Le but du Yoga et du Tantra est de maintenir cet état de Grâce, en traversant le pont des quatre autres actions, en cessant de s’identifier à leur mouvement, en d’autres mots, l’égoïsme. Yogananda définissait Dieu ainsi : "une joie toujours renouvelée".
Voilà le coeur de la beauté du Kriya Yoga de Babaji et la raison de célébrer la Grâce qu’il a apportée dans chacune de nos vies. Par le détachement continuel, ou vairagya, nous cessons de nous identifier aux mouvements du mental, nous agripper (Sûtra du Yoga I.12). Par la pratique du Kriya Kundalini Pranayama et des bijas mantras, notre pouvoir potentiel et conscience, la kundalini, une aiguille sonique perce les blocages dans les points nodaux, les chakras, dans le canal central, le sushumna. Alors que ces blocages sont éliminés par la pratique de la voie à cinq branches du Kriya Yoga de Babaji, nous percevons et agissons dans le monde dans la perspective des chakras supérieurs. En tant que mystique, nous réalisons anbu sivam, l’amour est Dieu, et faisons l’expérience de notre unité en tout.
Notre évolution en tant que sadhaka
En tant qu’être humain, notre évolution nous a pourvus de systèmes nerveux et hormonaux qui assurent notre survie. Nous avons un réseau par défaut, incluant l’ego, le mental et sa mémoire et les cinq sens, qui nous permet d’affronter les défis de la vie et de gérer nos réactions physiques et émotionnelles, tels que la peur et les désirs. Il est programmé par nos habitudes à réagir rapidement, automatiquement et efficacement. Il concentre notre conscience sur ce que nous devons faire maintenant. La méditation nous amène dans une autre partie de notre cerveau, un réseau centré dans le présent, où l’on se décentre et reconnaissons les pensées négatives et les émotions et recherchons une réponse positive. Il perçoit que "quelque chose ne va pas" lorsque nous nous sentons mal, et non "quelque chose n’est pas bien en moi" qui est le langage de l’ego. Au début de la méditation, nous entendons "j’ai du ressentiment" ou j’ai peur" lorsque les mémoires négatives remontent à la surface. Mais plus nous devenons calmes, nous pouvons voir ces émotions et les mémoires associées à elles comme des messagers qui pointent vers un niveau plus profond de vulnérabilité, où notre besoin de séparation ou de survie n’est plus menacé.
Quelle est l’action la plus appropriée que je peux prendre en réponse à cette émotion à un niveau de bien-être qui me permettra de demeurer en équilibre?
Lorsque nous demeurons le témoin des émotions en tant qu’événements personnels et messagers impersonnels nous les assimilons, complétons leur cycle rapidement, et ils révèlent leur vérité.
Chacun d’entre nous a une accumulation d’habitudes qui nous fait réagir émotionnellement. Nous pouvons les voir comme un mécanisme de survie, mais nous ne sommes pas obligés d’être limités par elles. Nous pouvons les dissoudre et les guérir. Elles obscurcissent la lumière de la conscience intérieure, comme un papier de soie qui couvre une ampoule. La méditation est comme l’action d’enlever le papier de soie afin que nous puissions voir la lumière de l’équanimité continuellement et sans effort.
Le Bouddha a dit : "Ce n’est pas la première flèche qui cause des dommages. C’est la seconde et la troisième flèche" Il fait référence à la première émotion, et la réaction qui suit est la seconde flèche, et la réaction face à la réaction, qui crée les samskaras (habitude émotionnelle) et les vasanas (la tendance à demeurer sur des mémoires douloureuses ou plaisantes).
L’ego et les cinq sens maintiennent une sensation de séparation. En vérité, il n’y a pas de séparation. Il y a une unité harmonieuse en tout. Nous pouvons nous séparer au niveau social. Mais en méditation, chacun d’entre nous peut ressentir fondamentalement la connexion, l’harmonie et l’unité avec les autres. C’est le mystère que la méditation révèle gracieusement. La méditation éveille un septième sens de l’unité. La vie devient une présentation interminable du Vrai, du Bon et du Beau. Nous pouvons non seulement célébrer nos anniversaires cette année, mais aussi l’émerveillement et l’admiration des moments de la vie, non plus en tant que chercheurs, mais en tant que chercheurs et yogis mystiques.
Marshall Govindan
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