La prière par rapport au yoga (version française)

vivekananda Lundi novembre 1, 2021
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La prière par rapport au Yoga Par Marshall Govindan Satchidananda

La prière n’est pas une activité mentionnée dans les Sûtras du Yoga, la Bhagavad Gîta ou les Upanishads du Yoga. Pourquoi ? C’est une question intéressante dont la réponse nécessite de comprendre non seulement la nature de la prière et comment elle diffère de la pratique de méditation yogique, de l’autosuggestion et des mantras, mais aussi les buts du Yoga, et la façon dont vous répondez aux questions « Qui suis-je ? » et « Quelle est ma relation à Dieu ? ». Dans notre tradition du Yoga, il est aussi nécessaire de comprendre le mot « Guru ».

Qu’est-ce que la prière ? Comment diffère-t-elle des pratiques de méditations yogiques, des autosuggestions et des mantras ?

La prière est une demande d’aide, de pardon ou une expression de remerciement adressée à Dieu ou un objet de vénération. Elle est de quatre types principaux : adoration, repentir, remerciement et supplication. C’est aussi un espoir ou un souhait sincère, et contient par conséquent un élément de doute quant à son efficacité. C’est l’une des activités principales de toute religion. C’est une activité mentale souvent mélangée à l’émotion. Son absence dans la littérature du Yoga distingue le Yoga de la religion.

La Méditation dans le Yoga ne comprend aucune demande d’aide, de pardon, ni de demande adressée à Dieu ou à l’Être Suprême. Elle ne comprend aucune expression d’espoir ou de désir, ou aucun sentiment de doute. La concentration amène le calme et la pénétration des activités mentales et émotionnelles ordinaires à la dimension spirituelle et éternelle de l’infini où le yogi fait l’expérience de l’être absolu, de la conscience et de la félicité.

Une autosuggestion est une déclaration positive de changement pour motiver le subconscient, exprimée au présent et répétée dans un état de profonde relaxation. Patanjali nous dit dans le Sûtra du Yoga II.33 : « Lorsque l’on est asservi par des pensées négatives, leurs contraires devraient être cultivées ». Pour utiliser une analogie, si le subconscient est comme un ordinateur rempli de logiciels ou par analogie, avec des habitudes mentales, des conditionnements et des mémoires qui gouvernent ses pensées, ses paroles et ses actions, alors une autosuggestion est un programme installé délibérément par le propriétaire pour effectuer un changement positif. Une bonne partie de ce qui emplit le subconscient n’a pas été mise là délibérément. Les expériences de la vie laissent automatiquement des impressions ou des mémoires. Lorsqu’elles sont souvent répétées, ces impressions se renforcent et deviennent des habitudes. Alors, si vous voulez les retirer, la meilleure manière est de ne pas vous battre avec elles ni essayer de les supprimer, mais simplement de les remplacer par une nouvelle programmation.

De nombreuses personnes croient au pouvoir de la prière. Son efficacité a été étudiée par la science. Des études scientifiques menées à l’Université Duke ont confirmé que la prière est efficace pour accélérer le temps de guérison d’une personne suite à une opération. Mais rares sont ceux qui font un lien entre le pouvoir de la suggestion et l’efficacité de la prière. La pratique yogique de l’autosuggestion ne fait pas appel à un pouvoir supérieur, un Être Suprême. La prière le fait. La prière implique souvent un sentiment d’impuissance ou même de doute, de désespoir, de peur, de regret, de culpabilité ou d’indignité. En tant que telle, elle peut saboter le pouvoir même de la suggestion. Comme l’autosuggestion, la prière est plus efficace si elle est exprimée sans l’ombre d’un doute. Pour cette raison, l’incitation du prédicateur à prier avec une foi totale, voire une certitude, que le Seigneur fera ce qui est le mieux, protège la prière des effets du doute venant du subconscient.

Les mantras

Bien que les autosuggestions agissent au niveau du subconscient, elles peuvent éliminer de nombreuses habitudes mauvaises et des pensées négatives qui vous rendent la vie difficile. Cependant, il existe des pratiques spirituelles comme les mantras, qui vous lient à des niveaux superconscients, et qui vous permettent de vous aligner à la Volonté de votre Soi supérieur. Par « subconscient », je veux dire la capacité à recevoir la connaissance sans utiliser les cinq sens ou la mémoire. Par « spirituel », je me réfère à la dimension de l’existence qui transcende le temps et l’espace ; ce qui est une constante, qui ne change jamais. Elle est sans forme et sans limites. Elle est conscience pure. C’est le fondement de votre existence. Toutes les pensées et les évènements y ont leur origine et leur destination ultime.

Contrairement aux prières, les mantras ne font pas de requêtes. Vous ne demandez rien, sauf le Seigneur ou « Cela » lui-même. En tant que tels, ils vous aident à vous libérer de l’emprise de la nature de l’égoïsme, l’habitude de s’identifier avec le complexe corps-esprit et tous ses mouvements inhérents. Par définition, les mantras sont des véhicules sonores de la conscience, qui peuvent transmettre un niveau de conscience supérieur à celui qui reçoit dans un processus appelé initiation.

Les mantras sont un langage entre les niveaux de conscience, alors il est important de les répéter avec une telle concentration que votre conscience s’approfondit et s’élargit à la fois, comme une graine, qui se transforme en arbre. Vous suspendez les mouvements ordinaires du mental tout en répétant le mantra. Dans la conscience physique ordinaire, votre conscience, voire votre identité est absorbée dans les phénomènes vécus par les cinq sens. Vous êtes préoccupé par ce que vous voyez, écoutez, sentez sur la peau, etc. Dans la conscience de rêve ordinaire, qui inclut la rêverie, votre conscience est aussi contractée et absorbée dans des souvenirs et des imaginations, comme l’anxiété, le désir, les jugements. Pour tirer parti de la pratique du mantra, vous devez donc vous concentrer sur le son ou la prononciation du mantra, de façon à pénétrer les mouvements ordinaires du mental vers la dimension spirituelle. Le bénéfice sera d’autant plus grand si vous pouvez vous souvenir de l’état de conscience supérieur et sacré vécu lors de l’initiation au mantra. Cet état de conscience est un grand calme, et une énergie riche d’une présence, d’amour, de paix et de silence.

Le but du Yoga est d’affaiblir les causes de la souffrance et de cultiver la réalisation du Soi, ou samadhi selon Patanjali dans son Sûtra du Yoga II.2. Il affirme que la cause originale de la souffrance est l’ignorance de notre identité véritable. De là naissent les autres kleshas, ou causes de la souffrance : égoïsme, attachement, aversion et peur de la mort. (Sûtra du Yoga II.3-9) Votre réponse à la question « Qui suis-je ? » évolue à mesure que vous vous identifiez moins au corps physique, à la personnalité, aux pensées, aux émotions, à votre passé, et davantage à une conscience témoin. Au fur et à mesure que votre identité évolue, votre conception de Dieu évolue également. La pratique du Yoga entraîne une évolution de votre identité : je suis mon corps, je suis une mère, un père, un professionnel, un homme, une femme, admirateur de telle équipe, je suis membre de tel parti politique, j’ai froid, j’ai faim, ou simplement Je suis. Vous vous identifiez à celui qui Voit, ou le Soi, pas à celui qui est Vu. Vous vous identifiez à Cela qui ne change jamais. Vous éprouvez de plus en plus un sentiment d’unité avec tout. Je suis en tout, tout ce qui est en moi est expérimenté. Au fur et à mesure que votre identité évolue, vous réalisez que l’égoïsme, avec ses attachements ou ses désirs, et ses aversions et ses peurs, est la cause de votre souffrance, et vous apprenez à les « laisser aller ».

Dans l’état de conscience égoïste ordinaire, Dieu est vu comme celui qui peut m’aider à satisfaire mes désirs ou éviter ce que je crains. La prière est un moyen de communiquer ces désirs. Mais quand votre but n’est plus d’essayer de satisfaire les manifestations de l’ego, mais plutôt de vous élever au-dessus de celles-ci, de les abandonner, et de vous identifier à votre Soi véritable, de demeurer comme un Témoin, et simplement de remplir votre devoir et de suivre un chemin qui vous permettra de rester dans un état de conscience supérieur, alors votre relation avec Dieu change. La méditation remplace la prière. La recherche d’un état de communion spirituelle avec le Seigneur ou la recherche de conseils ou de sagesse remplace la prière de demande. Vous avez confiance que le Seigneur vous aime et vous guide. Ainsi, vous cherchez à écouter la sagesse et les conseils du Seigneur en vous tournant à l’intérieur.

Quelle est ma relation à Dieu ?

C’est le sujet de la théologie, l’étude de la relation entre Dieu, l’âme et le monde. La croyance en leur réalité est appelée théisme. La croyance que ces distinctions ne sont pas réelles, mais illusoires, et qu’il n’existe qu’Un seul, souvent appelé Brahma dans la littérature indienne du Vedanta, s’appelle le monisme. La première est dualiste et est adoptée par toutes les religions occidentales, le yoga, le tantra et les principales sectes hindouistes : le Shivaïsme, le Vishnouisme, et le Shaktisme. La seconde est non-dualiste, appelée Advaita, elle est adoptée par les dix principaux ordres de renoncement hindous, le dasami, fondé par Adi Sankara, de même que Ramana Maharshi, et un nombre grandissant d’occidentaux. Dans ces traditions non dualistes, comme dans le bouddhisme, il n’y a pas de Dieu, pas d’âme et le monde est illusoire. Patanjali répond clairement à la question ci-dessus dans le Sûtra du Yoga I.24 :

Ishvara est le Soi extraordinaire, qu’aucune affliction, aucune action, aucun fruit des actions ou aucune impression intérieure des désirs ne peut affecter.

Et il nous dit le but de cette relation dans le verset précédent I.23 : (Note 1).

Ou, grâce à l’abandon au Seigneur, on atteint avec succès l’absorption cognitive.

Contrairement au Samkhya, une grande partie du Vedanta et du Bouddhisme, le Yoga Classique, tel qu’il est exprimé dans les Sûtras du Yoga de Patanjali, affirme l’existence de Dieu, Ishvara. Dieu n’est pas créateur. Le cosmos, la vie et l’homme sont créés par prakriti, ou la Nature, à partir d’une substance primordiale. Mais Ishwara peut accélérer le processus de réalisation du samadhi. Pour cette raison, c’est le dieu des yogis. Il ne peut venir en aide qu’au yogi, c’est-à-dire celui qui a choisi le yoga comme voie. Mais le rôle d’Ishvara est relativement petit. Il peut amener le yogi qui le prend comme objet de sa concentration en samadhi.

Dans la Bhagavad Gîta, Krishna fait des affirmations similaires, et encourage Arjuna à se concentrer uniquement sur « Moi ». Selon le verset ci-dessus, réaffirmé au verset II.45, Patanjali nous dit que cette aide divine n’est pas l’effet d’un « désir » ou « sentiment » - car Dieu ne peut avoir ni désirs ni émotions- mais d’une « sympathie métaphysique » entre le Seigneur, Ishvara et l’âme, purusa. En fait Ishvara est un purusa qui a toujours été libre, jamais touché par les causes de la souffrance. Dans ses commentaires de ce verset, le sage Vyasa nous dit que Dieu ne se soumet pas à l’appel des rituels ou des dévotions, ou de la foi en sa miséricorde, mais que son essence, sa conscience, collabore avec le Soi qui cherche l’émancipation par le Yoga. C’est donc une relation de sympathie, née du but ou du dessein de la Nature, pour collaborer à la délivrance des nombreux « mois » (purusa) empêtrés dans les mailles illusoires de l’existence. (Note 2 : Eliade)

Cependant, ce qui est de première importance dans les Sûtras du Yoga c’est la technique et la volonté, et la capacité de maîtrise de soi et de concentration des yogis. Pourquoi, me direz-vous, Patanjali a-t-il ressenti le besoin de présenter Ishvara ? La réponse est qu’Ishvara correspond à une réalité expérientielle : Ishvara peut en fait amener au samadhi, à condition que le yogi pratique l’abandon complet ou Ishvaraprahnidhana ou la dévotion à Ishvara. Sûtra du Yoga II.45.

Ayant rassemblé et classé toutes les techniques yogiques dont l’efficacité a été confirmée par la tradition classique, il ne pouvait pas ignorer les expériences rendues possibles par l’unique processus de concentration sur Ishvara (et affirmées dans la Bhagavad Gîta). En d’autres termes, comme Eliade le souligne : à côté de la tradition d’un Yoga purement magique – qui ne fait appel qu’à la volonté et au pouvoir personnel de l’ascète – il y en a une autre, une tradition « mystique », dans laquelle les dernières étapes de la pratique du Yoga étaient au moins facilitées par la dévotion – même elle est extrêmement raréfiée, extrêmement « intellectuelle » – à Dieu… Finalement, Ishvara est seulement un archétype du yogi – un « macroyogi ».

Quelle est ma relation à Dieu selon le Yoga Siddhantha, l’enseignement des Siddhas du Yoga ?

Le Siddhantha, tel qu’exprimé dans le Tirumandiram, enseigne que votre conception du Seigneur évolue en même temps que votre identité psychologique. (Note 4)

Ces relations comprennent les stades suivants :

Charya : le serviteur, celui qui cherche, sert, et commence à s’associer avec d’autres qui cherchent le Seigneur ;

Kriya : l’ami, celui qui a trouvé un chemin vers le Seigneur, qui est familier avec le Seigneur, et qui effectue des rituels, soit des cérémonies extérieures ou des pratiques intérieures ;

Yoga : le fils ou la fille, le yogi, chez qui commencent à se manifester les qualités du Seigneur et

Jnana : l’unité, le sage, l’homme avisé ou siddha, l’être parfait, qui a la connaissance de l’unité avec Siva, l’unique, l’éternel, le bienheureux.

Toutes ces relations incluent une aspiration pour la grâce, et une purification progressive des taches ou impuretés : l’ignorance, l’égoïsme, le karma et l’illusion ou maya. La métaphore qui les représente est votre changement de perspective lorsque vous regardez à distance une montagne (charya), puis trouvez un chemin qui gravit la montagne (kriya), vous familiarisez avec la montagne en montant plus haut (yoga) et finalement atteignez le sommet de la montagne (jnana).

Le chercheur de Dieu ou la Vérité voit au départ Dieu comme éloigné et impossible à connaître, mais une fois qu’il a trouvé un chemin spirituel, et se concentre sur sa discipline, il réalise enfin l’union avec Cela. Ceci exprime le théisme moniste, dans lequel on commence à considérer Dieu autre que soi-même, et finalement comme étant l’essence de soi-même, énergie consciente, Siva-Shakti. Le Tirumandiram fait référence à une descente progressive de la grâce divine à travers ces stades de purification. (Note 5)

Le Tirumandiram décrit les cinq fonctions du Seigneur : création, préservation, dissolution, obscurcissement et grâce. Elles se manifestent par Sa Shakti ou pouvoir, selon les 36 tattvas ou principes de la Nature, de même que par le karma.

La grâce imprègne les cinq fonctions du Seigneur et par conséquent tout ce qui est créé, préservé, dissous, obscur et empli de grâce dans nos vies personnelles. Lorsque nous percevons et apprécions cela, instant après instant, notre souffrance cesse immédiatement, et nous voyons le visage du Seigneur. (Note 6)

Les Siddhas enseignent que la grâce du Seigneur est ce qui élève l’âme en haut de l’échelle de l’expérience spirituelle, soulageant doucement l’âme du monde et révélant la lumière plus grande de la sagesse et de la connaissance du Soi. La grâce est la compassion du Seigneur. Contrairement au karma, elle ne dépend pas des mérites ou démérites des activités. C’est la réponse du Seigneur à l’aspiration de l’âme pour la Vérité, le Bon et le Beau.

__« Personne ne peut saisir sa forme cosmique ; Mais le corps composé des cinq éléments Se répand délicatement comme le lait dans l’eau, La parfaite félicité que j’ai appris à vivre inlassablement. »__ - Tirumandiram, verset 450 (Note 7)

Tant que l’obstruction dure, on ne parvient pas à percevoir la présence du Seigneur intérieur. Mais par la grâce du Seigneur, lorsque l’on se détourne de l’attachement à la personnalité corps-esprit, et que l’on se purifie des taches, on commence à avoir des expériences spirituelles. Avec celles-ci et la félicité qu’elles confèrent, on se tourne de plus en plus vers le Seigneur intérieur, en union. Par la grâce du Seigneur, on trouve la félicité ultime.

Les Siddhas n’ont jamais fait l’éloge d’aucune déité hindoue ni encouragé les maisons « à mi-chemin » du culte du temple. Ils étaient radicaux, dans le vrai sens du terme, et ont encouragé chacun à chercher le Seigneur à l’intérieur, et à manifester Cela. Parmi leurs grands dictons, on peut citer Anbu Sivam ou « l’Amour est Dieu » et Jiva (l’âme individuelle) devient Siva, et « Ils ne sont pas deux ». Leur conception préférée du Seigneur était vetavelli ou « vaste espace lumineux ». (Note 8)

Le Kriya Yoga de Babaji est un « guru yoga »

« Guru, Dieu et le Soi ne font qu’Un » est un grand proverbe ou mahavakya dans la tradition du Yoga. Je l’ai adopté au moment où j’ai perçu la grandeur de Paramahansa Yogananda et Yogi S.A.A. Ramaiah. Cela est devenu très clair pour moi lorsque j’ai entendu le verset du Siddha Tirumular :

__L’ignorant affirme que l’amour et Siva sont deux ; L’amour est Siva, ils ne savent pas ; L’amour est Siva, une fois qu’ils savent cela ; L’amour demeure en Siva.__ – Tirumandiram 270

Cela est devenu l’étoile polaire de ma vie lorsque je me suis consacré à la pratique du Kriya Yoga de Babaji et Sa mission pour partager le Kriya Yoga Siddhantham tamoul, les enseignements des 18 Siddhas du Yoga tamouls. Cela me revient à l’esprit à chaque fois que je répète le mantra de Babaji « Om Kriya Babaji Nama Aum. ». Les Siddhas du Yoga vénéraient leurs gurus. On ne trouve nulle part dans leurs écrits des éloges pour des déités, ou de la vénération pour de petits dieux dans les temples, car ils se sont réalisés comme étant Siva, l’Être Suprême. Leur yoga est un Guru Yoga.

Leurs poèmes commencent habituellement par une salutation à leurs gurus. C’est parce qu’ils ont connu Dieu dans l’amour de leurs gurus. Ils ont expérimenté le pouvoir de leur amour et en retour ont répondu en manifestant l’amour et même des actes divins. Je peux témoigner du pouvoir de cet amour et comment cela a agi sur moi depuis le jour où j’ai prononcé les mots du serment : « j’abandonne entièrement mon être et mes plaisirs à Kriya Babaji ». Ces 45 dernières années ont été une séance permanente de Karma Yoga, qui exprime cet amour et cet abandon à Babaji en chacun.

Le mot « Guru » signifie littéralement « dissipateur des ténèbres ». « Gu » veut dire ténèbres et « ru » lumière. « Ténèbres » est une métaphore pour l’ignorance. L’ignorance est l’incapacité à distinguer ce qui est permanent de ce qui est impermanent, la source de la souffrance de la source de la joie et la personnalité liée à l’ego du vrai Soi. Ainsi, le Guru est celui qui nous montre comment éliminer les ténèbres de l’ignorance et réaliser la sagesse. Lorsque le voile de l’ignorance est retiré, l’amour brille comme une lumière toute puissante à l’intérieur comme à l’extérieur. Le Guru n’est pas une personne. Le Guru est un tattva, un principe de la nature par lequel la Vérité, l’Amour, la Beauté, la Sagesse sont révélés.

Il peut se manifester à travers tout ce qui nous permet de voir profondément la Vérité derrière les voiles de la nature, qui purifie des malas ou taches de l’égoïsme, l’illusion et le karma. Cela peut se manifester à travers un livre, les yeux d’un bébé, un lever de soleil, une expérience spirituelle, un mantra. Lorsque cela se manifeste de manière constante par une personne, nous l’appelons « guru », mais il ne faut pas oublier que ce n’est pas la « personne » qui est le « guru », mais les enseignements, la sagesse, l’amour qui se manifeste par cette personne. La personne est juste la messagère. En nous souvenant de cela, nous pouvons éviter la confusion qui survient lorsque les limitations humaines de la personne se manifestent.

Le Guru tattva est aussi le principe par lequel la Nature crée, soutient, détruit toute vie à la fois dans nos univers intérieurs et extérieurs, de la façon nécessaire pour nous permettre de passer de l’ignorance à la sagesse, de l’égoïsme à la réalisation du Soi. Il existait bien avant que l’univers soit créé, et transcende donc le temps et l’espace. Le principe du Guru existe en chacun de nous comme le Soi intérieur, ainsi lorsque nous honorons le Guru extérieur, nous honorons aussi notre propre Soi. Il est la Shakti impersonnelle, la force spontanée qui crée tout ce dont nous avons besoin pour une plus grande expansion de notre sadhana. C’est plus puissant que le guru extérieur, car c’est toujours accessible.

Le mot Guru est aussi étroitement lié au mot « Guna », qui fait référence aux trois tendances, modes, composantes ou qualités par lesquelles la Nature (prakriti) nous fait bouger physiquement, émotionnellement et mentalement : (a) tamas (inertie, fatigue, découragement, doute), rajas (activité, courage, planification et exécution) et sattva (équilibre, équanimité, compréhension claire). Ainsi, le Guru est celui qui nous montre comment nous libérer de la dépendance aux Gunas. Les Siddhas qualifient cette mission qui est la leur de arrupadai : montrer la voie vers le Soi et la réalisation de Dieu.

Patanjali parle de cette libération en tant que kaivalyam, la libération de celui qui est vu dans les Sûtras du Yoga II.25, III.50, III.55, IV.26, IV.32 et IV.34. Dans le dernier verset des Sûtras du Yoga :

Ainsi, l’état suprême de la Liberté Absolue (kaivalyam) se manifeste pendant que les qualités (gunas) se réabsorbent dans la Nature, n’ayant plus le but de servir le Soi. Ou (sous un autre angle) le pouvoir de la conscience pure s’installe dans sa propre Nature. Yoga sutras – IV.34 (Note 9)

Chercher Babaji pour devenir Babaji

Nous sommes tous une œuvre inachevée. Individuellement et collectivement, en tant que sadhakas qui ont entrepris une sadhana, ou une discipline de yoga, nous découvrons notre pouvoir et notre conscience potentiels, la kundalini, en plus des restrictions de la nature humaine et l’égoïsme. Le résultat de la transformation dans ce processus dépendra de l’engagement du mental et du vital du sadhaka à se détourner de l’ego pour rediriger son allégeance vers l’âme ou la psyché.

L’ego ne peut se purifier. Ce n’est que notre Soi supérieur, notre âme, qui n’est pas affecté par les manifestations de l’ego, qui est capable de le faire. Comment le faire avancer au premier plan de notre conscience ? Comment faire pour que son influence fasse pression sur l’ego ?

Bien sûr, la voie à cinq branches du Kriya Yoga de Babaji offre plusieurs techniques qui aident à purifier le subconscient, à développer la concentration nécessaire, à créer une imagerie mentale positive et à développer la capacité intellectuelle à trouver la sagesse. Par contre, notre âme, ou Être Psychique, demeure cachée derrière le voile du mental, des émotions et des sensations à moins que le sadhaka se concentre intérieurement et trouve la lumière mystique, la douce présence du Divin, le Vrai, le Bon, le Beau, qui est imminent et transcendant.

Le Guru, Dieu et le Soi sont Un. Dans la première initiation, il y a une technique pour communiquer avec Babaji, le Guru du Kriya Yoga. Cette technique de communion avec Babaji permet à notre âme, notre Soi supérieur, ou tel que le nomme Sri Aurobindo, notre « Être Psychique », de quitter l’arrière-scène derrière le voile de l’égoïsme de plus en plus souvent, jusqu’à la complète identification avec elle. Habituellement, la complète identification avec notre âme se produit seulement après une très longue sadhana. Cette identification est marquée par une très grande joie qui est présente dans toutes les situations. L’on se sent immortel, c’est-à-dire éternel. L’on sent la douce Présence du Divin.

En attendant que le long processus de purification et d’identification avec le Soi supérieur, notre âme, soit complet, le sadhaka doit se tourner vers l’intérieur à plusieurs reprises, se concentrer, écouter ses directives et ensuite, leur obéir. Tout ce qui doit être purifié dans notre nature sera révélé. Tout ce qui doit être réformé ou retiré sera mis en lumière. Le vrai souverain que vous êtes vous attend ! Ce n’est pas suffisant d’être « attentif ». Aspirez à être le servant du Suprême. Demandez l’aide du Divin afin de résister à l’impulsion de manifester la colère, la fierté, la jalousie et laisser aller la peur, le désir et les vieilles habitudes négatives. Avec l’amour et la dévotion envers le Divin en tout temps et en tout lieu, aspirez à devenir son instrument, en exprimant la gentillesse, en effectuant les actions avec compétence et calme. Voyez le beau visage du Divin en tous. Laissez votre cœur chanter pour lui avec amour et joie. Votre âme avancera au premier plan lorsque votre mental et votre vital deviendront silencieux, et elle dirigera votre vie. (Note 10)

Notes: 1. Govindan, Marshall, Sûtras du Kriya Yoga de Patanjali et des Siddhas 2. Eliade, Mircea, Yoga, Immortality and Freedom; pg. 74 3. Ibid, page 75; 4. Govindan, « Comment mesurer le progrès spirituel ? » KY Journal: Volume 14 Numéro 3 - Automne 2007 et Kriya Yoga : réflexions sur le chemin spirituel 5. Ganapathy, The Yoga of Tirumular: Essays on the Tirumandiram, page 36 6. Govindan, « Voir la manifestation de la Grâce » KY Journal: Volume 17 Numéro 2 - Été 2010 7. Tirumular, The Tirumandiram: Classic of Yoga and Tantra. 8. Govindan, « Ils ne sont pas deux » Journal du Kriya Yoga, Volume 20 Numéro 4 - Hiver 2014 9. Govindan, « L’amour, la Grâce et le Guru » Journal du Kriya Yoga Volume 22 Numéro 3 - Automne 2015 10. Govindan, « Chercher Babaji pour devenir Babaji » Journal du Kriya Yoga : Volume 24 Numéro 2 - Été 2017

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